Retail : pourquoi la digitalisation est surtout une transformation interne

Temps de lecture : 8 minutes

Retail : la digitalisation passe par un changement des systèmes d’informations et non une simple présence e‑commerce

 

Hitachi Solutions et K3 ont réalisé une enquête auprès de 300 directeurs e‑commerce, des finances, des achats et du merchandising de marques de vêtements et de chaussures dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros. Si l’urgence de la digitalisation a été plus qu’intégrée, l’étude révèle une approche superficielle de cette transformation. Explications avec Jean-François Gomez, Industry Executive, Business Development chez Microsoft et Marko Nousiainen, General Manager, Hitachi Solutions France.

 

K3 Fashion et Hitachi Solutions ont commandé une enquête Européenne auprès de plus de 300 Fashion retailers, avez-vous été surpris par les résultats de cette dernière ?  Et sur quel sujet ? 

Marko Nousiainen : L’étude a été réalisée au second trimestre 2021, soit un an après le premier confinement. C’est donc sans surprise qu’elle traduit une volonté très forte des acteurs de la mode à s’engager sur les canaux digitaux. Il s’agissait (et il s’agit) d’une question cruciale pour créer un avantage concurrentiel, mais cela reste également une question de survie pour certains.

En revanche, les investissements effectués sur le e‑commerce ou les réseaux sociaux ont révélé des faiblesses. Tout d’abord, au niveau de la qualité des données utilisées, mais aussi sur le plan des processus opérationnels ou encore de la capacité à apporter une information omnicanale.

Jean-François Gomez : Concernant l’e‑commerce, on constate que le sujet est abordé de façon superficielle, c’est-à-dire en ajoutant un système d’achat en ligne et en traitant les données de navigation. Le e‑commerce doit être bien plus que cela, c’est un système d’informations à repenser pour évoluer dans une économie digitalisée, pas un simple bouton « shop ».

L’étude permet également de constater qu’un bon nombre de retailers sont sensibilisés à la question des données, notamment par le biais des retours clients qui se plaignent d’un manque d’informations alors que le volume de celle-ci est en constante augmentation. La pression mise par les consommateurs en fait un sujet qui remonte très fortement dans cette enquête. Cela prouve la nécessité de développer un système de recueil et de traitement adéquat.

J’ai personnellement été surpris par l’impasse faite sur des sujets structurants tels que la sécurité, la scalabilité, ou bien le processus de traitement des données.

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Selon vous, quelles sont les tendances en termes de digitalisation chez les fashion retailers au regard de cette étude ?

M.N. : Premièrement, je dirais l’omnicanal – qui était un sujet d’expérimentation ou d’externalisation il y a encore quelques années – est devenu un sujet structurant/intégré.

Ensuite la migration vers le cloud des applications IT qui gèrent les opérations.  Elles ont bouleversé la manière d’intégrer et de restituer les données transactionnelles et leurs référentiels clients, fournisseurs ou produits. Cette accélération permet à de nouveaux acteurs de vendre sur Internet ou en magasin sans aucune des contraintes qui existaient encore il y a une dizaine d’années (matériel informatique, serveurs, bases de données, compétences IT…).

J‑F.G : Pour profiter au maximum des potentiels de cette digitalisation, il faut que la data soit le carburant du moteur opérationnel qu’est l’ERP. Et ici, force est de constater que les acteurs interrogés n’y sont pas encore.  L’ERP a en effet tendance à passer en dernier en termes de priorité, après le CRM, le PLM et le e‑commerce.

Ce qui est problématique, puisque c’est l’ERP qui est censé être le chef d’orchestre des autres éléments.

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Environ une marque de mode sur cinq n’a pas encore digitalisé son ERP, la France étant le pays le plus lent à l’adopter et l’Allemagne le plus rapide. Est-ce que la France est le mauvais élève de l’Europe ?   

M.N. : L’étude n’explore pas les critères économiques sous-jacents qui ont pu conduire à des écarts en termes d’équipement, de choix de solutions ERP, de modernisation et de migration vers le cloud.  On peut toutefois imaginer que les tailles et les moyens des différents acteurs du Fashion Retail jouent un rôle. Il y a également des facteurs externes, par exemple la règlementation sur l’utilisation des données client qui pourraient jouer un rôle.

Les éditeurs d’ERP ont aussi historiquement eu plus ou moins de succès sur les différents marchés européens et chacun propose un chemin un peu différent à ses clients pour la migration vers le cloud et la modernisation de leur base.

Ce sont autant de facteurs qui pourraient influencer cet écart. Je ne parlerai donc pas de mauvais élève.

J‑F.G : Nous savons également, qu’historiquement parlant, la France a tendance à s’épanouir plus dans les aspects créatifs tels que la création de produits, de gammes et de collections.

M.N. : Je soulignerais toutefois le fait que l’ERP moderne et la transformation digitale sont un moyen pour les acteurs de la mode d’aller plus facilement à la conquête de nouveaux marchés, en Europe comme ailleurs.

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La France est-elle plus lente ou travaille-t-elle différemment ? 

J‑F.G : La France n’est pas à proprement parler en retard. Elle travaille différemment. Elle est spécialisée sur sa capacité à créer. Elle est d’ailleurs sûrement plus rapide dans l’aspect créatif que d’autres pays européens, mais il est vrai qu’elle est plus lente dans sa capacité à scaler et devenir ‘pro’.

M.N. : Nous avons une longue histoire dans le secteur de la mode en France et sommes reconnus pour notre savoir-faire à travers le monde.

J’ai pu observer sur des projets d’implémentation d’ERP que la culture d’entreprise et la richesse de cet héritage pouvaient avoir un impact sur la qualification des besoins métiers. Ce qui a pour conséquence directe de conduire à des spécifications complexes, parfois à faible valeur ajoutée, alors qu’un processus standardisé aurait demandé moins d’efforts et se serait révélé moins coûteux à mettre en œuvre et à maintenir.

Une charte projet, le recrutement de collaborateurs aguerris à la transformation digitale, et l’expérience du partenaire intégrateur sont des facteurs décisifs dans ce genre de situation pour se focaliser sur des développements spécifiques, capables de donner un avantage concurrentiel, d’augmenter les ventes ou les marges.

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86 % des personnes interrogées affirment que la première cause de goulots d’étranglement internes est le manque de visibilité.
Quelles sont les tendances à suivre pour remédier à ce problème ? 

J‑F.G : De nos jours, nous travaillons beaucoup trop en silo et les data ne sont pas fluides entre les différentes activités de l’entreprise. Cela empêche la mise en place d’initiatives pour raccourcir les cycles de production, créer des produits à la demande, donner plus d’indépendance au local, développer le mix media, etc…

Pour y arriver, il faut permettre une transparence de la donnée en mettant en place un Common Data Model (CDM).  Ce schéma rassemble les données structurantes d’une entreprise et les met à disposition de tous les services. Ainsi, chaque département (marketing, finance, distribution, production…) peut travailler avec les mêmes données.

Beaucoup de retailers pensent qu’il leur manque de la data. Ce n’est pas le cas, l’enjeu est très souvent dans sa structuration et sa transformation en informations.

Ici, il faut comprendre que la data est unique, mais en fonction du demandeur, l’information sera différente. Par exemple, connaitre le niveau de stock d’un produit (data) ne sert pas vraiment à grand-chose. Ce qu’on veut savoir c’est « est-ce je peux avoir X produits livrés chez moi, ou dans mon magasin dans X temps ». Et la réponse peut différer en fonction de la demande et du demandeur.

Le traitement de ces données en informations pourrait ouvrir de nouvelles perspectives, en permettant par exemple de fournir des produits avec un temps de livraison plus long, mais une création de produits à la demande.

De cette manière, les stocks sont diminués, l’impact environnemental réduit, le contrôle de la fabrication évite le gaspillage, etc.

Ces modèles sont possibles uniquement si les retailers sont prêts à upgrader leurs ERP pour gérer un stock d’informations avec leurs clients et les partager en toute confiance.

M.N. : En effet, les entreprises les plus performantes partagent toutes les mêmes bonnes pratiques et des solutions IT performantes, incluant un ERP moderne et un système d’aide à la décision performant (pas de silos fonctionnels, reporting et tableaux de bord…).

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57% des personnes interrogées ont estimé que les marques n’avaient pas été assez agiles pour tirer parti du boom du e‑commerce l’année dernière. Qu’en retirez-vous ?  

M.N. : C’est à mon sens le point fondamental de l’étude. Le digital ne se résume pas à moderniser son site web et être présent sur les réseaux sociaux. Cela peut-même être contre-productif si l’on ne pense pas l’ensemble du système d’information comme un moyen de toucher ses clients, comprendre leurs besoins et leurs envies, et savoir y répondre de manière transparente.

Peu de marques font un sans-faute sur le parcours client omnicanal. L’homogénéité et la cohérence avec les valeurs de la marque sont possibles à la condition de se donner les moyens et d’intégrer les processus peut-être moins évidents tels que le réapprovisionnement ou la gestion des stocks avec ceux que le consommateur voit et utilise. L’ERP doit suivre (ou précéder !) les investissements dans le digital pour être performant !

J‑F.G : J’ajouterais également que pendant la crise, la demande client a rapidement augmenté. En parallèle, beaucoup de nouveaux entrants ont pénétré le marché du e‑commerce, ce qui a contribué à la multiplication des canaux de ventes. La question pour les enseignes est la suivante : comment supporter cette diversité qui ne devrait cesser de croître avec des préférences et des habitudes médias qui diffèrent ? On a vu une explosion de la diversité de la demande. Et cela constituera un enjeu.

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Quels conseils donneriez-vous aux fashion retailers qui souhaitent développer leur marché en France malgré le contexte sanitaire ? 

M.N. : D’abord en tant que spécialiste de l’informatique de gestion je serai assez modeste sur les conseils que je pourrais donner, mais sur mon domaine de compétence – et à la lumière de nombreux déploiements d’ERP et de systèmes décisionnels -, j’encourage les retailers à considérer la gestion des données comme un sujet à part entière. Un sujet qui s’étend de l’acquisition à leur valorisation en passant par toutes les étapes : transformation, traitement, stockage. Quelles sont les données utiles à la réalisation des objectifs stratégiques et au développement de l’entreprise ? Comment mieux connaitre son client, ses envies, déclencher un acte d’achat et le fidéliser ? Organiser son système d’information autour de ces réflexions permet de le rationnaliser et de faire les bons choix en termes d’investissement.

J‑F.G : Je vois deux solutions : suivre la multiplication des sollicitations ou investir sur le long terme avec un ERP.

Nous avons dit adieu à un marché très linéaire. Avant, on prenait la matière première, elle était transformée et le produit était distribué. Nous tendons de plus en plus vers un marché multi sources de matières premières, avec même un client qui peut réinjecter de la matière première en ramenant ses anciens produits (et les produits sont recyclés et réutilisé, ex : H&M et 1803) ou encore un client qui peut décider de son mode de livraison (pour avoir moins d’impact sur l’environnement).

Cette économie en graphe appelle de plus en plus un monitoring des données pour répondre aux attentes des consommateurs (prédictibilité, offres personnalisées…), augmenter ses profits (leviers d’optimisation), mais également réduire son impact environnementale (livraison, gestion de la production optimisée…).

Autant de bénéfices qui pourront être portés si les data sont mises en musique dans un ERP.

Pour en savoir plus, téléchargez l’étude juste ici.

 

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