L’intelligence des données au service des Tunneliers

Temps de lecture : 5 minutes

Creuser un tunnel est une opération complexe, lente, coûteuse et parfois même dangereuse. Pour ses grands travaux d’infrastructure menés en France – avec les travaux du Grand Paris – et partout dans le monde, Bouygues Travaux Publics cherchait donc à optimiser ses tunneliers. L’objectif : augmenter à la fois leur performance et la sécurité sur ces chantiers complexes et souterrains. La solution est venue de la donnée et de l’intelligence artificielle. Explications.

Une usine, à 20 mètres sous terre

C’est une machine impressionnante. Une usine mobile de près de 80 mètres de long, 10 mètres de diamètre et 2 000 tonnes. Coût unitaire : des millions de dollars.
24H/24, 6jours/7, elle creuse patiemment à 20 mètres sous terre, avance selon une trajectoire définie au laser et ajustée en permanence, modifie la pression de forage en fonction du terrain et déploie les fondations et le revêtement du tunnel, grâce à une grue intégrée. A cette profondeur, le risque d’effondrement est réel, l’erreur interdite. Et toute innovation apporte un gain pour la sécurité et l’avancement du chantier.

Bouygues Travaux Publics, qui réalise de grands projets d’infrastructures et génie civil en France et dans le monde, voulait donc améliorer ses tunneliers à travers une trentaines d’initiatives réparties en 2 catégories : le tunnel 2.0 (pour optimiser les chantiers à court-moyen-terme) et le tunnel 3.0 (pour inventer le tunnel de demain). De multiples axes de progression ont été identifiés :
• Améliorer la sécurité sur les chantiers de tunnel ;
• Minimiser les fissures ;
• Optimiser les poses d’anneaux et la progression des tunneliers
• Réduire les incidents
• Diminuer les temps d’arrêts

Des objectifs multiples, et un atout majeur pour les atteindre : la donnée.

Depuis une quinzaine d’années, tous les tunneliers de Bouygues Travaux Publics sont en effet connectés. Ils enregistrent en permanence toutes les données sur le percement, le chantier, les arrêts, etc. En moyenne, chaque chantier permet ainsi de collecter 100 Go de données au cours des 6 mois (ou plus) de percement des tunnels. Une mine d’information qui restait sous-exploitée. Jusqu’à ce projet, né à l’été 2017 au sein de Tunnel Lab, un service dédié à l’innovation chez Bouygues Travaux Publics, et mené grâce à un partenariat avec Microsoft.

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Data, cloud Azure et IA : réussite d’un mariage à trois

« On peut tout faire grâce au Big Data, à condition justement d’avoir la data. Et c’était notre cas, puisque depuis 15 ans on enregistrait toutes les données de tous les équipements qui tournent sur les tunneliers, » explique Nicolas Braud, Directeur du Tunnel Lab, Direction Optimisation Industrielle. Ces données étaient alors affichées en « live » via des systèmes scada, mais elles restaient inexploitées faute de puissance de calcul sur les chantiers. Le cloud Azure a permis de pallier ce problème, comme s’en félicite Nicolas Braud : « notre travail avec les équipes de Microsoft permet de rapatrier toutes ces données, de les héberger dans le cloud et surtout de les mettre à disposition de nos Data Scientists. » Ces derniers analysent alors toutes les opérations menées sur ces tunnels, les conditions dans lesquels elles ont été menées, afin de créer des modèles d’analyse et de prédiction, et de les transformer en applications.

« On capitalise, à travers ce projet, sur tous les chantiers qu’on a menés », se réjouit Nicolas Janicaud, chef de groupe Big Data & Dev au sein de Tunnel Lab. « On peut coupler des données objectives, enregistrées par les machines, avec celles subjectives – les retours partagés par nos équipes d’ingénieurs et techniciens sur les chantiers. On en tire des informations inestimables ».

Deux services Microsoft Azure sont utilisées pour réaliser ces opérations, comme le souligne Nicolas Janicaud : « 1er service : Le Data Lake Store pour héberger et stocker à un endroit toutes nos données ; Et 2e service : HDInsight, avec un cluster spark, pour faire des classements répartis sur toutes les données qu’on a stockées dans le data lake ».

Fini les macro-excels donc : aujourd’hui le potentiel des données est véritablement exploité pour optimiser les futurs chantiers grâce à la puissance du cloud et à l’Intelligence artificielle. Un exemple : si des tunnels précédents, percés dans des conditions données ont rencontré le même type de problèmes ou de difficultés, les ingénieurs de Tunnel Lab peuvent prédire que les futurs tunnels aux caractéristiques similaires risquent de poser les mêmes problèmes. Ils peuvent alors anticiper les incidents et décider à l’avance d’actions correctrices.

Des tunneliers améliorés grâce à l’IA

« Le travail consiste à développer des algorithmes qui vont nous aider à réduire le risque de créer un incident, réduire le risque de causer des fissures qui mettent en danger l’ouvrage, ajuster les consignes de pilotage pour ajuster la vitesse de creusement du tunnelier, etc. » précise Nicolas Braud.

« L’avantage d’héberger ces données sur Azure, c’est la masse d’information que l’on peut traiter et analyser », renchérit Nicolas Janicaud. « On ne travaille plus seulement sur quelques centaines de méga d’informations, mais sur plusieurs tera, voire peta de données. Et on peut désormais trouver du sens caché dans les données du passé pour créer de la valeur dans le futur. »

Une valeur inestimable, avec un time-to-market accéléré, comme le souligne Nicolas Braud : « Grâce à la plateforme Azure, on peut aujourd’hui mettre en place nos innovations plus rapidement, et les rendre récurrentes. On peut donc faire plus de choses, et les faire plus vite ».

Les bénéfices sont multiples :

- Sécurité améliorée sur les chantiers.
L’utilisation de la donnée aide à diminuer le risque d’accident, d’effondrement, etc., et améliore donc la sécurité de tous les personnels impliqués.
« Un tunnelier aspire beaucoup de terre à mesure qu’il avance. Ce qui peut créer un « fontis », un effondrement au-dessus du tunnelier. Notre objectif est de le détecter avant qu’il arrive, pour être capable d’arrêter la machine et d’injecter de la matière pour empêcher ce trou de se former, » explique Nicolas Braud.

- Optimisation de la maintenance.
Le Machine Learning permet de mieux cibler les opérations de maintenance à mener, en fonction des conditions rencontrées, selon Nicolas Braud : « un tunnelier est aujourd’hui en maintenance près de 30% de son temps, car c’est une énorme usine, avec de l’électrique (plusieurs mégawatts de puissance, du pneumatique, de la mécanique, de l’hydraulique, des centaines d’équipements… L’objectif est de détecter les pannes à l’avance, pour être capable de prévenir le mécanicien, l’électricien, etc., afin qu’ils puissent arriver avec la bonne pièce, au meilleur moment, en profitant par exemple d’un arrêt programmé pour poser un anneau en béton. »

- Productivité en hausse sur les chantiers.
Mieux anticiper les possibles problèmes rencontrés par les tunneliers et se « nourrir » des cas précédents permet de gérer au mieux leur progression et le percement d’ouvrages. « Notre objectif, c’est d’être capable de multiplier par deux ou par trois notre vitesse de creusement, » précise Nicolas Braud.

- Diminution des coûts.
Grâce aux algorithmes, il est parfaitement possible d’imaginer réduire le temps d’arrêt d’un tunnelier d’1H par semaine. Sachant que chacune de ces heures d’arrêt ou d’immobilisation d’un tunnelier coûte des dizaines de milliers d’euros, multipliés par le nombre de tunneliers en action sur un chantier, et par le nombre de semaines que dure ce percement (de nombreux mois voire plusieurs années). Et vous obtenez, pour chaque tunnel percé, des économies de… plusieurs millions d’euros !

Autant d’avancées rendus possibles par le recours au cloud et API Microsoft. « Ce qui est intéressant, c’est d’avoir accès à un service directement disponible, que l’on peut configurer selon nos besoins, puis le mettre à disposition de nos data scientists, afin qu’ils puissent exprimer leur savoir-faire le plus rapidement possible, en continu, » conclut Nicolas Janicaud.

Et pour déployer ce nouveau savoir-faire, Bouygues Travaux Publics dispose d’un nouveau terrain de jeu : les chantiers du Grand Paris Express. Bouygues Travaux Publics est notamment en charge de la future ligne 15 Sud, qui implique le creusement de près de 200kms de tunnels en quelques années, ainsi que d’une partie du prolongement de la ligne 14. Il s’agit d’ouvrages complexes, en milieu fortement urbanisé : des chantiers qui pourront pleinement profiter de ces tunneliers améliorés grâce à l’intelligence des données.

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